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Les explorateurs célèbres
Guillaume Lejean
Les bons points des années 1920 que l'on donnait aux élèves les plus méritants...
Aventurier et grand voyageur, ce Trégorrois a été lun des grands géographes français du XIXe siècle. Républicain convaincu, cest pourtant sous le Second empire quil a mené ses expéditions en Afrique, en Asie et dans lEmpire ottoman.
Lethnologie et le voyage commencent souvent par chez soi Ce que fit Guillaume Lejean avant ses vingt ans, en parcourant les chemins de basse Bretagne à pied, puis par dautres moyens pour cartographier son pays. Il était né en 1824, à Plouégat-Guerrand, dans une famille de cultivateurs. Très tôt également, il recueille des légendes locales et sintéresse à lhistoire. Il écrit, en 1841, ses premiers articles dans lÉcho de Morlaix. Bachelier, il refuse catégoriquement de rentrer dans les ordres. Il devient alors archiviste à Morlaix, ville dont il écrira une Histoire politique et municipale, à 22 ans. Il se passionne ensuite pour lhistoire de Bretagne et rédige des notices biographiques. Elles lui fourniront la matière de La Bretagne, son histoire et ses historiens, publié en 1850.
En 1845, il commence à correspondre avec lhistorien Michelet qui remarque très tôt ses aptitudes. En 1848, Lejean est employé à la sous-préfecture de Morlaix où il sennuie ferme. Il monte à Paris pour suivre des études de médecine. Mais la vision des cadavres le répugne, aussi décide-t-il de travailler de sa plume. Il collabore à divers titres, puis se fait une place au Pays, journal libéral de Lamartine, le poète et candidat malheureux à lélection présidentielle de 1848. Il sera ensuite son secrétaire avant de le quitter en 1853. Il travaille par la suite à une carte de la France féodale, mélange dérudition, de recherches historiques et ethnographiques ainsi que de géographie. À Paris, Lejean se cultive et suit différents cours au Collège de France. Cest ainsi quil est remarqué par le professeur Guignaut, qui lui conseille dentrer à la Société de géographie.
La découverte de lOrient
Introduit dans ce prestigieux cénacle, Lejean va pouvoir laisser libre cours à sa passion des voyages. Le 8 avril 1857, il quitte Paris, chargé dune première mission détudes géographiques en Moldavie, en Valachie et en Bulgarie. Il décrit son périple à travers une correspondance passionnée, évoquant tous les peuples dEurope centrale rencontrés avec moult détails. Lirréductible républicain quil est, ne peut que relever les bienfaits de la démocratie là où il la rencontre.
De retour, il sera présenté à lEmpereur, qui lui concède sept missions jusquà la fin du régime. De 1857 à 1871, Guillaume Lejean va donc arpenter le monde. De janvier 1860 à août de lannée suivante, il est ainsi en Afrique, où il remonte le Nil, traverse le Soudan. À Karthoum, il dénonce lesclavage, ce qui lui vaut quelques ennuis. « Une ville de 40 000 âmes, aimable et hospitalière à la surface, ignoble au fond. La traite des nègres la plus éhontée alimente ce luxe », écrit-il. Puis, il senfonce vers les sources du grand fleuve africain, une région dont il est lun des premiers à dresser un relevé rigoureux. Mais il est détroussé et doit rebrousser chemin. Revenu en Europe, il rédige un compte rendu de ses aventures dans sa ferme de Plouegat-Guerrand.
Prisonnier du Négus
Au printemps 1862, il repart en Afrique pour deux ans. Il a été nommé vice-consul de France à Massaouah, à la frontière de lAbyssinie, lactuelle Éthiopie, où il est chargé de développer des relations diplomatiques. Il est accueilli par le Négus, lempereur Théodore II. « Théodore me fait penser par ses bons et ses mauvais côtés, à un autre grand barbare Charlemagne [
] Il a un esprit sage et pratique à chercher le perfectionnement de sa nation dans les propres éléments de cette nation », rapporte-t-il. Mais, après une campagne militaire malheureuse, le Négus le fait prisonnier ! Lejean reste assigné à résidence plusieurs mois, observant la société éthiopienne et son étonnante diversité. De ses aventures, il tirera deux livres Voyages aux deux Nil et Voyage en Abyssinie. Quant à sa mésaventure avec le Négus, elle lui vaudra la légion dhonneur.
En 1865, il embarque cette fois pour lAsie. Il a pour mission de retracer litinéraire dAlexandre et de retrouver le berceau des Celtes, une tâche exaltante pour ce Breton aventureux. Il rejoint Constantinople, passe en Asie mineure, visite lancienne Mésopotamie, puis lAfghanistan avant datteindre les Indes anglaises et de visiter Srinagar, la capitale du Cachemire. Il identifie deux champs de bataille dAlexandre, Arbalès et Hydaspe et réalise de nombreux clichés photographiques. Avec ce voyage, il acquiert une renommée internationale.
Campagnes ottomanes
Dans les années 1867-1870, Lejean va mener plusieurs campagnes dans lempire Ottoman. Il a pour mission de dresser une carte ethnographique de la Turquie dEurope. Il dresse donc le portrait de tous ces peuples dEurope orientale et il pressent les futurs conflits des Balkans, région que la Sublime Porte contrôlait encore. Parti avec des a priori sur les Turcs, il admirait cependant leur civilisation ou leur capitale, « Constantinople, merveille du monde ». Il cartographie aussi le Kurdistan.
En 1869, il revient épuisé, après avoir eu de graves problèmes de santé. Il part en convalescence dans le Trégor. Il repart cependant une dernière fois et apprend, à Venise où il réside, la défaite française de 1870. Il revient une dernière fois en Bretagne, où il ressasse les souvenirs de ses nombreuses aventures. « Partez ! Vous aurez faim, vous aurez soif. Vous mangerez des choses impossibles, vous boirez une eau qui aura tantôt la couleur de lencre, tantôt la couleur de lAbsinthe ; vous subirez des chaleurs excessives, vous aurez de la fièvre et, malgré tout cela, probablement, vous survivrez. Et lorsque vous serez revenu en Europe, toutes vos souffrances passées ne vous laisseront plus quun souvenir, je dirais presque du bonheur », déclarait-il ainsi lors dune conférence à Brest, en 1867, ce qui est une belle définition du voyage au long cours. Guillaume Lejean est décédé le 2 février 1871, à Plouégat-Guerrand où il est enterré.
Pour en savoir plus :
Levot (P), Guillaume Lejean, ses voyages, ses travaux, Brest, 1883.
Lorain (M-T), Guillaume Lejean, voyageur et géographe, Éditions les Perséides, Paris, 2006.