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Amadou Hampaté Bâ
Vie et enseignement de Tierno Bokar
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Remerciement à Petit Homme Libre pour son travail
"je souhaite, déclare le sage de Bandiagara, de tout mon cur, la venue de lère de la réconciliation entre toutes les confessions de la terre, lère où ces confessions sappuieront les unes sur les autres pour former une voûte morale et spirituelle, lère où elles reposeront en Dieu par trois points dappui : Amour, charité, fraternité (Bâ, 1980, 174).
Le disciple :
Est-ce que je peux fréquenter dautres milieux qui ne sont pas musulmans ? (Bâ, 1980, 148-149)
Le maître :
Mais bien-sûr, au contraire,
on senrichit toujours à communiquer avec les autres,
mais à condition que tu restes fermement enraciné dans ta propre foi.
Puissiez-vous comprendre le sens des propos de ces hommes, en qui Dieu à placer sa confiance dans l'expression de sa réalité, avant que la colère des peuples blancs insultés et trahis par leurs faux dirigeants ne viennent affirmer leur puissance de destruction et vous fasse comprendre le sens du mot tolérance.
Nous rappelons brièvement que son maître était un saint homme, un marabout descendant dEl hadji Omar, dont laura spirituelle couvrait tout le Massina. Le livre qui a été publié aux Editions du Seuil en 1980, compte 254 pages, divisées en trois grands chapitres qui sont : la vie, la parole, lenseignement. Notre intention nest pas de présenter une vue exhaustive du livre, ce qui serait fastidieux, mais den dégager, pour les commenter, quelques éléments saillants et caractéristiques de la philosophie dAmadou Hampâté BA.
I- La vie
" Lidentité administrative de Tierno Bokar, écrit A.H. BÂ, était alors ainsi définie : situation de fortune : possède une jument et quelques chèvres. Ressources : reçoit quelques aumônes et cultive avec ses Talibé (élèves)"
La vie de Tierno Bokar aurait pu se dérouler somme toute dans une totale félicité si elle navait été troublée par la regrettable querelle byzantine de la pratique des «onze » ou des «douze » grains.
Loraison « Djawharatul - kamal » ou perle de la perfection avait été reçue par Si Ahmed Tidjani en une vision quil avait eue du prophète, avec injonction de la réciter onze fois (Bâ, 1980, 57-58).
Après la chute de Bandiagara prise par les Français en 1893, lélan de la Tidjania en Afrique paraissait brisé (Bâ, 1980, 59). DAlgérie, la maison mère décida denvoyer Cheik Mohammed Lakhdar dans les différents territoires dAfrique au sud du Sahara pour rechercher le nouveau maître annoncé qui continuerait la tidjania et pour ramener les communautés Tidjani à la formule primitive des onze grains.
Le cheickh Mohammad Lakhdar convertit la communauté tidjani de Nioro aux 11 grains, mais à la suite dune incompréhension, le chef de la communauté tidjane, le chérif El Moktar, parce que le cheikh Lakhdar avait refusé de lui réciter un nom de Dieu, décide de retourner à son ancienne pratique des 12 grains.
Enfin le cheikh Lakhdar reconnaît en Chérif Hamalah, le Qutb-ul Zaman, le maître de lheure : La communauté de Nioro se soumit donc à lui (Bâ, 1980, 68).
Tierno Bokar qui a su reconnaître en Cheikh Hamalah un homme de Dieu se rallie à lui en se convertissant à la pratique des onze grains (Bâ, 1980, 65).
Pour lui, commence lépreuve ; aux passions religieuses viennent se greffer les conflits politiques (Bâ, 1980, 110).
Isolé par la communauté Tidiane de Bandiagara, il vécut dans la solitude jusquà sa mort (Bâ, 1980, 112-113).
Tierno qui a vécu dans sa chair les affres de lintolérance naura de cesse quil nait mis en garde ses disciples contre elles.
II- La parole
Dieu aime-t-il linfidèle ? : Amadou Hampâté BA qui souffrait constamment dentendre que les «Koufar» infidèles étaient promis à la géhenne éternelle, sen ouvrit un jour à son maître qui lui prodigua lenseignement suivant :
"Que notre amour ne soit pas centré sur nous-mêmes ! ... Naimer que ce qui nous ressemble, cest saimer, ce nest pas aimer... Linfidèle, en tant quhomme ne peut être exclu de lamour divin. Pourquoi le serait-il du nôtre ? Il occupe le rang auquel Dieu la élevé. Le fait, pour un homme, de sabaisser peut entraîner un châtiment sans pour cela provoquer une exclusion de la source dont il est issu" (Bâ, 1980, 142 - 144).
Il apparaît nettement donc selon lenseignement de Tierno Bokar que Dieu le créateur nétablit aucune préférence entre ses créatures. Une autre fois, le maître sest offusqué de ce quun de ses disciples se réjouissait de la manière dont un pasteur américain avait été hué sur la place publique à Bandiagara :
"Tierno fut révolté par ce comportement. Voulant mettre ses élèves en garde contre tout manquement envers des hommes qui sexpriment au nom de Dieu, il lança, ce jour là un véritable appel à la tolérance" (Bâ, 1980, 146 - 147)
Dune manière générale, quant aux relations des musulmans avec les adeptes dautres religions, Tierno Bokar invite au respect mutuel de tous les croyants qui sont fils dun même père :
"Pour Tierno Bokar... il nexistait quune seule religion, éternelle... Cette religion primordiale était, pour lui, comparable à un tronc dont les religions historiques connues seraient sorties comme les branches dun arbre" (Bâ, 1980, 153).
Profondément convaincu que lenseignement doctrinal des religions monothéistes est pur et que ce sont les hommes qui sont imparfaits, il a mis en garde les siens contre les luttes religieuses dont la stérilité le dispute à lanimosité.
Guide spirituel de la communauté musulmane de Bandiagara, Tierno Bokar ne fut pas étranger à ses préoccupations temporelles ; pour lui, la solidarité est la condition essentielle de lexistence :
"La société humaine, participant de la Réalité divine, formait un tout, comme une immense caravane dont les membres sont obligatoirement solidaires parce quils courent les mêmes dangers et quils marchent vers un même but" (Bâ, 1980, 177).
De son vivant, Amadou Hampâté Bâ na jamais dissimulé son angoisse devant le drame de lhomme africain, face à lomnipotence du pouvoir politique.
"Cest terrible, dit-il, nos chefs dEtat font de leurs citoyens tout ce quils veulent. Quils apparaissent sous le manteau de progressiste ou du modéré, quils le clament haut et fort ou le cachent, tous mentent sans vergogne à leurs concitoyens, les emprisonnent, les tuent ou les ruinent à longueur de journée. Nul na les moyens de se défendre face à la toute puissance de lEtat, omnipotent et omniprésent" (Bâ in Diallo, 1996, 36).
Tierno Bokar, sur lépineuse question de lexercice du pouvoir, a eu à donner de sévères avertissements aux dirigeants qui abusent de leur pouvoir. Il rappelle à tous ceux qui détiennent ne serait ce quune once dautorité, les limites de leur responsabilité et les peines prévues pour leur culpabilité :
" ... La gravité de toute faute commise par un chef temporel ou religieux est proportionnelle à la superficie de son pays. Lefficacité en est multipliée par la densité des habitants de cette chefferie ou des adeptes de cette obédience, multipliée encore par le poids de la faute et augmentée de lexagération des conteurs ambulants. Le tout est majoré du volumineux poids de la crédulité des masses" (Bâ, 1980, 178).
Esprit universel enfin, Tierno Bokar a perçu le danger quil y avait pour la jeunesse de son pays à se laisser envoûter par les sirènes de la culture occidentale, rompant du même coup le lien ombilical avec ses racines, pourtant source dhumanisme (Bâ, 1980, 183-84) : « A une question sur les traditions, il répondit :
"Respectez-les. Elles constituent lhéritage spirituel de ceux qui nous ont précédés et qui navaient pas rompu avec Dieu" (Bâ, 1980, 183).
Amadou Hampâté BA lui-même, dont la foi islamique ne souffre daucune perversion hérétique sest intéressé aux mystères des peuples de la région ouest-africaine. Pour lui, en effet, non seulement létude des sciences occultes nest pas en porte-à-faux avec lislam orthodoxe, mais elles permettent de découvrir ce que
«lhomme ordinaire na pas encore découvert par la rationalité »
Il faut comprendre que les formes non scientifiques de la connaissance, nen sont pas moins la connaissance :
« Lencre du savant, en effet, disait le prophète à ses compagnons est plus sacrée que le sang du martyr ».
Homme de dialogue, dhospitalité et de partage, Amadou Hampâté BA que lon peut aujourdhui considérer sans exagération comme un des échos sonores de notre temps, dépasse pour citer Siradiou Diallo, le cadre étriqué de sa région natale et même de son continent ; lessence de son message tient en un appel à un monde fraternel, tolérant et réconcilié avec lui-même
"Quoi quil en soit, dit-il, lintolérance, étroitement liée à lignorance et au manque de maturité spirituelle nest le privilège daucune race, daucune communauté particulière. Cest une maladie humaine générale. Tous les temps et tous les lieux lont connue. Aujourdhui, plus ou moins tapie dans certaines zones obscures de notre être, elle menace toujours de montrer les griffes dès que nous rencontrons chez lautre une différence que nous ne pouvons comprendre. Cest pourquoi, il nous faut des maîtres spirituels qui soient en même temps des médecins du cur" (Bâ, 1980, 36).
Cest ce que fut Tierno Bokar dont lappel à lunion, à la compréhension et à linterpénétration des curs et des esprits, sadresse par delà son entourage à tous les hommes :
"je souhaite, déclare le sage de Bandiagara, de tout mon cur, la venue de lère de la réconciliation entre toutes les confessions de la terre, lère où ces confessions sappuieront les unes sur les autres pour former une voûte morale et spirituelle, lère où elles reposeront en Dieu par trois points dappui : Amour, charité, fraternité (Bâ, 1980, 174).