[large]Salomon Reinach[/large]
Cultes, mythes et religions
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[right][small]A l?horizon, l?ange des certitudes, et dans la nuit sombre, un regard interrogateur.
Odilon Redon[/small][/right]
[justify]Directeur du Musée des Antiquités nationales, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, codirecteur de la Revue archéologique, Salomon Reinach est l'auteur d'une ?uvre considérable dont la Bibliographie de 262 pages, parue en 1936, donne la mesure et dont Cultes, mythes et religions (1905-1923) est la figure de proue. Reinach y aborde l'étude des religions par le biais des grandes notions opératoires en honneur à l'époque : l'animisme, la magie (qui est « la science non encore laïcisée »), le tabou (« interdit non motivé », transmis par héritage de nos ancêtres animaux à nos ancêtres humains), le sacrifice, le totem, dont l'auteur prétend trouver des exemples dans tous les dieux sacrifiés du monde gréco-romain : Orphée, Hippolyte, Actéon, Phaéton... Dans Totem et Tabou (1913), Freud fait souvent référence à cette somme de la mythologie comparée.
Salomon Reinach est le frère de Joseph Reinach (1856-1921), homme politique et publiciste qui mena campagne contre le boulangisme et en faveur de Dreyfus, et de Théodore (1860-1931), lui-même archéologue et historien. Il est né à Saint-Germain-en-Laye, dans une riche famille de banquiers juifs allemands et a suivi les cours de l'Ecole Normale Supérieure, avant de rejoindre l?Ecole Française d?Athènes en 1879. Son arrivée en Grèce est marquée en mars 1881 par sa rencontre avec Charles Joseph Tissot, un Dijonnais célèbre, futur ambassadeur de France à Londres, qui est ministre de France à Athènes depuis trois ans et président de l'Institut de correspondance hellénique : « Je me présentai à Tissot, il me revit à notre bibliothèque, et nous étions liés avant de nous connaître. Il m'a dit plus tard qu'il m'avait pris en affection parce qu'il me voyait une curiosité générale et que je paraissais désireux, à la différence des spécialistes, d'apprendre ce que je ne savais pas ». Trente ans séparent Salomon de cet homme qui pourrait être son père. Mais ils sont nés le même jour, un 29 août, ce qui contribue à les rapprocher. Tout comme leur passion pour le dessin, leur goût des langues, leur amour de Lucain et leur propension à la mélancolie.
Archéologue de terrain, Salomon Reinach a conduit sur tout le pourtour méditerranéen bon nombre de fouilles qui eurent un grand retentissement auprès de la communauté scientifique, notamment à Myrina près de Smyrne, entre 1880 et 1882, à Kymé en 1881, dans les îles de Thasos, Imbros et Lesbos en 1882, à Carthage en 1883 et à Odessa en 1893.
Il est connu pour avoir fait acheter par le musée du Louvre, en 1896, la tiare de Saïtapharnès découverte en Crimée pour la somme de deux cent mille francs or, tiare qui se révéla en 1903 être un faux réalisé par un certain Rachoumowsky. Jarry, dans le docteur Faustroll, évoque l'aventure.
Ardent défenseur de la culture et des droits des juifs, il fut par ailleurs vice-président de l?Alliance israélite universelle et membre de la Société des études juives. Il s?engagea dans l?affaire Dreyfus en y jouant un rôle occulte, mais décisif. Soucieux de combattre l?intolérance, il fut également aux côtés de Colette, lors du procès de Robert Desnos, condamné pour La Liberté ou l?amour. Jusqu?à sa mort, il rendit visite ou écrivit à Nathalie Barney et à Liane de Pougy, qui l?avaient introduit dans le milieu des prêtresses de Sapho. Il trouvait auprès d?elles l?occasion de satisfaire la dernière grande passion de sa vie : la vie et l??uvre de Pauline Tarn, la poétesse Renée Vivien.
Salomon Reinach est mort à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine en 1932, il est inhumé au cimetière de Montmartre.
Si la capitale des Gaules honora une rue du septième arrondissement de son nom depuis 1934, c?est parce qu?il légua sa très riche bibliothèque à l?Université de Lyon.[/justify]
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[justify](1) - Le 1er avril 1896, le Louvre fit savoir qu'il avait acheté une tiare d'or découverte en Crimée et ayant appartenu au roi scythe Saïtapharnès. Sur les conseils d'Albert Kaempfen (1826-1907), alors directeur des Musées nationaux, et des archéologues Antoine Héron de Villefosse et Salomon Reinach, le musée avait acquis cette pièce inestimable pour 200 000 francs-or. Une inscription grecque sur la tiare donnait à lire : « le conseil et les citoyens d'Olbia honorent le grand et invincible roi Saïtapharnès ». Pour les experts du Louvre, cette tiare confirmait un épisode datant de la fin du IIIe siècle ou du début du IIe siècle avant notre ère.
À la demande de ses lecteurs, le journal Le Figaro suggéra à Salomon Reinach de conter dans ses colonnes la vie de Saïtapharnès.
Selon cette histoire, Saïtapharnès, avait soumis quelques colonies grecques sur les rives du Pont-Euxin (Daces, Sarmates, Bithyniens, Thraces...) avant d'assiéger Olbia, fondée autour du VIe siècle av. J.-C. par les Carthaginois, et n'avait accepté de laisser la ville en paix qu'après avoir reçu des cadeaux précieux.
Peu de temps après que le Louvre eut exposé la tiare, un certain nombre d'experts mirent en doute son authenticité. Parmi eux se trouvait l'archéologue allemand Adolf Furtwängler qui avait remarqué des problèmes stylistiques posés par le dessin de la tiare, par exemple les styles variés dans les décorations, et restait perplexe devant le manque manifeste de patine sur l'objet. Pendant plusieurs années, le Louvre défendit l'authenticité de son trésor. Finalement, des nouvelles de cette affaire parvinrent jusqu'à Odessa, où vivait un orfèvre du nom d'Israël Rouchomovsky.
Deux ans avant l'acquisition de la tiare par le Louvre, deux commerçants avaient commandé à cet artisan adroit la tiare en question. Ils avaient expliqué qu'il s'agissait d'un cadeau pour un ami archéologue et avaient fourni à Rouchomovsky des détails sur des fouilles récentes pour l'aider dans son travail. Ce n'est que lorsqu'il fut mis au courant du scandale du Louvre que Rouchomovsky apprit ce qu'il était arrivé à son ?uvre. Il se rendit à Paris et se présenta comme le créateur de la tiare. Les experts du musée refusèrent de le croire jusqu'à ce qu'il eût prouvé qu'il était capable de reproduire une portion de la couronne. Horriblement gêné, le musée fit disparaître dans les réserves l'objet compromettant.
Il n'était pas question de reprocher quoi que ce fût à Rouchomovsky, lequel n'avait fait qu'exécuter une commande pour laquelle il n'avait touché qu'un peu plus de 7.000 francs ; il fut au contraire admiré pour son travail et gratifié par la suite d'une médaille d'or au Salon des arts décoratifs de Paris. Il s'installa à Paris où il vécut jusqu'à sa mort en 1934.
En 1997, le musée d'Israël à Jérusalem emprunta au Louvre la tiare de Saïtapharnès, qui lui faisait si peu d'honneur, pour une exposition spéciale consacrée au travail d'Israël Rouchomovsky. La couronne avait achevé le cercle complet ? d'abord ?uvre d'art, puis faux embarrassant, elle était redevenue ?uvre d'art.
Dans L'Aiguille creuse, Maurice Leblanc met en scène l'« authentique » tiare de Saïtapharnès[/justify]
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Raoul Ponchon [small]Le Journal - 30 mars 1903[/small]
Donc, d?après certains, il appert
Que cette tiare du Louvre,
Admise par plus d?un expert,
Et que son estampille couvre ;
Casque, si l?on veut, ou bien fez,
Qui couronna de son grimoire
Le chef de Saïtapharnès,
Dont l?histoire a perdu mémoire,
Ne serait en réalité
Que l??uvre d?un joyeux fumiste,
Quoique ça, graveur réputé
Et souverainement artiste.
Si ce n?est plus Elina qui
Est l?auteur de cette Tiare,
Mais le Russe Tripatouski,
C?est toujours la même guitare?
Cet objet antique est tout frais,
D?avant-hier, si l?on préfère.
Il fut fait pour le Louvre exprès,
Et puis après ?? la belle affaire !
Qu?il soit de Pierre ou bien de Paul,
D?un Parisien de la Butte,
D?un Russe de Sébastopol?
Faut-il pour ça qu?on le rebute ?
Que loin d?avoir ses deux mille ans,
Cette tiare aléatoire,
Ne date que du gros Milan? *
Est-ce un vice rédhibitoire ?
Qu?on l?ait trouvée en un tombeau,
Au sein d?une ancienne crypte?
Faut-il, pour qu?un joyau soit beau,
Qu?il remonte à la vieille Égypte?
Qu?est-ce que ça nous fait, l?auteur ?
En quoi nous importe la date ?
Si c?est une ?uvre? à la hauteur?
Ingénieuse et délicate ?
Elle était cela hier encor,
Quand on la croyait authentique,
C?est-à-dire quand ce trésor
Passait pour être d?art antique.
Aujourd?hui - vous comprenez bien -
Comme on la prétend plus moderne,
Ce n?est plus qu?une écuelle à chien,
Une gamelle? une lanterne?
Son auteur en a du toupet !
Tromper la vulgaire pécore !
C?est un bon fumiste, en effet,
Mais il convient qu?on le décore.
Moi, pour qui son travail est beau,
Je vais de ce pas, dare dare,
Lui commander quelque chapeau,
Et pourquoi pas une tiare ?? [center]________________________________[/center]
Reinach Salomon - Cultes, mythes et religions, Tome I à IV
Moderator: Le Tocard