Lombard de Langres Vincent - Compilations de ses ouvrages (r

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Libris
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[center][large]LOMBARD DE LANGRES VINCENT[/large][/center]
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[center][large]HISTOIRE DES JACOBINS, DEPUIS 1789 JUSQU'À CE JOUR[/large]

ou

ÉTAT DE L'EUROPE EN NOVEMBRE 1820;

PAR L AUTEUR DE L'HISTOIRE DES SOCIÉTÉS SECRÈTES.
[/center]
[right][small]Regardez en haut et levez la tète, parce que la chute est proche.
Saint Luc[/small][/right]
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[center]Histoire des Jacobins depuis 1789 jusqu a ce jour.pdf
http://www.histoireebook.com/index.php? ... s-Jacobins
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[center]PREFACE


Il n'y a pas encore un an que nous tracions l'histoire des Sociétés secrètes; nous disions ces propres paroles :[/center]
Image[justify]Les Sociétés d'Illuminés doivent "subjuguer l'univers" il n'est plus question de leur résister; elles ont déjà le glaive et le pouvoir; la vaste conjuration quelles ourdissent a encore besoin d'être soutenue quelque temps par artifice, la séduction et la perfidie... Des écrits immoraux, des maximes incendiaires, où l'on flatte les vices de la multitude, où l'on attaque, sous toutes les formes, les idées saines, les cultes et les rois, préparent le complément d'une révolution universelle méditée depuis longtemps, arrêtée tout-à-coup par une main puissante, et rendue à son activité dévorante par une suite d'événements qui échappent à la prudence humaine.

Profonds politiques, songez que les Sociétés secrètes disposent aujourd'hui des quatre parties du monde; que leurs missionnaires ont pénétré sous la zone brûlante d'un autre hémisphère, et que le bouleversement de tous les peuples est inévitable. Songez qu'ils sont partout, dans les armées, dans les conseils , dans les congrès.
Les rois sommeillent ! ... Et quand ils se réveilleraient ? ... Il est trop tard. Les cabinets n'ont plus de secrets pour la secte : elle a des millions d'adeptes répandus en Europe, Avant cinquante ans, nous aurons un nouveau culte et de nouveaux maîtres.


Depuis que notre livre a paru, trois révolutions ont éclaté en Espagne, à Naples, en Portugal, une quatrième et une cinquième ont pensé réussir à Paris. Nous n'aurons peut-être pas écrit cette page que Milan et Berlin seront en insurrection. Encore une fois, souverains : " Regardez en haut et levez la tête parce que la chute est proche ".

La prophétie est dure, nous l'avouons; la vérité a toujours quelque chose d'amer : un malade à l'agonie n'aime point entendre parler de la mort. Cet ouvrage sera jugé diversement; il fera peur, j'en préviens d'avance. Il ne reste plus qu'à placer, à l'entrée de la caverne des révolutions, l'inscription funeste qui ordonne de laisser l'espérance.
Les polices, les alliances, les arrestations, les supplices, n'y feront rien. L'état social tombe en dissolution sous la hache d'une secte ennemie de tous les pouvoirs, qui, d'une main, tient le livre de sang, et, de l'autre, le glaive.

Les Illuminés ne seront pas les derniers à se récrier sur ce qu'ils appellent des visions. Il y a un an, lorsque L'histoire des Sociétés secrètes parut , ils demandaient des preuves : eh bien ! les voilà, ces preuves; qu'ils les nient. Pour toute réponse, je leur montrerai Cadix, Valence, Paris, Naples, Berlin; je ferai apporter le poignard tout sanglant des Sand, des Ibel et des Louvel; je rappellerai les man?uvres des Burgenschafft, du Tugendbund, des Carbonari, et de toutes les affiliations de l'Illuminisme. Quant aux incrédules, s'il en est encore de bonne foi, il faut les plaindre d'avoir des yeux pour ne point voir, et des oreilles pour ne pas entendre : ils aiment l'erreur, comme les compagnons d'Ulysse aimaient leur abrutissement.[/justify]



[center]CHAPITRE PREMIER.

Considérations générales.
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Image[justify]J'entends des hommes sages, lisant ce livre, s'écrier tout émus : quelle exagération! Je leur dis : observez ce qu'on fait, écoutez ce qu'on dit, et doutez si vous l'osez ! Les maximes professées longtemps dans les ténèbres par les sociétés secrètes, le furent ensuite dans les livres. De là, elles sont proclamées ouvertement à la tribune : on le souffre; toute puissance religieuse et civile disparaît.
Avant cette époque, lorsqu'on attaquait les sociétés secrètes, elles criaient à la persécution. Si votre science, leur disait-on, est une doctrine de vertu et de bonheur, pourquoi vous cacher dans des antres? Pourquoi vous environner de mystères et de serments affreux? De deux choses l'une, ou vous faites le mal, ou vous faites le bien.
Si vous faites le mal, vous êtes punissables; si vous faites le bien, vous n'avez pas besoin de vous soustraire à tous les regards.

Comme ils ne répondaient rien à ce dilemme, on aurait dû les traiter en conspirateurs; on ne le fit pas, et tout fut perdu. Un roi porta sa tête sur l'échafaud; dix autresperdirent leur couronne; l'Europe tomba dans l'anarchie. Une tolérance mal entendue produisit la révolution française; cette révolution, faite et dirigée par les illuminés, inocula ses principes au monde. [large]Le mot d'ordre des adeptes était alors liberté, égalité, fraternité, la mort[/large]. Quelle est actuellement leur devise? Charte, idées libérales, système représentatif, lumières, indépendance. Avec ces mots vides de sens, on remue aujourd'hui les peuples comme on les remuait, en 1792, avec ceux de liberté et d'égalité. Rien n'est moins libéral qu'un illuminé; sous la peau du renard il cache la griffe du tigre; ses hiéroglyphes ont un sens caché , comme ceux du sphinx.
La secte a son argot : écartez le manteau philanthropique, vous verrez le régicide, la spoliation, le meurtre, l'incendie et la guillotine.

...[/justify]

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Sycophante

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[large]Lombard de Langres Vincent[/large]

Des sociétés secrètes en Allemagne, et en d'autres contrées
http://www.histoireebook.com/index.php? ... s-contrees


http://www.histoireebook.com/index.php? ... es-Vincent
- Histoire des Jacobins depuis 1789 jusqu'à ce jour ; ou, État de l'Europe en Novembre 1820
- Histoire des sociétés secrètes de l'armée et des conspirations militaires (1815)
- Des sociétés secrètes en Allemagne et en d'autres contrées (de la secte des Illuminés, du Tribunal secret, de l'assassinat de Kotzebue ...) (1819)
- Le dix-huit Brumaire ; ou, Tableau des événemens qui ont amené cette journée
- Mémoire pour L. Fauche Borel, contre Charles Perlet, ancien journaliste
- Mémoires anecdotiques pour servir à l'histoire de la révolution française - Tome I
- Mémoires d'un sot, contenant des niaiseries historiques

[right][small]_____________________________________________
L'orgueil, la fureur, le trépas
Dans des ruisseaux de sang marchent devant leurs pas
_____________________________________________[/small]
[/right]
Des sociétés secrètes en Allemagne et en d'autres contrées (1819)
(de la secte des Illuminés, du Tribunal secret, de l'assassinat de Koztzebue ...)
[right][small]"Ni l'or, ni les honneurs ne peuvent payer mon silence."[/small][/right]
Image[center]__________________[/center]
[justify][small]August Friedrich Ferdinand von Kotzebue, né à Weimar le 3 mai 1761 et mort à Mannheim le 23 mars 1819, est un dramaturge allemand. Dans l?hebdomadaire Literarisches Wochenblatt, qu?il édite à Weimar, il se moque des prétentions des Allemands qui demandent des institutions libres et devient un tel objet d?aversion générale qu?il doit se déplacer à Mannheim. Il est particulièrement détesté par les jeunes partisans enthousiastes de la liberté, et l?un d?eux, Karl Ludwig Sand, un étudiant en théologie, le poignarde, à Mannheim. Sand est condamné et exécuté, et le gouvernement en tire prétexte pour placer les universités sous une surveillance stricte.[/small][/justify]

Avant-Propos
[justify]Un séjour de dix années en Allemagne (depuis 1804) m'avait mis à portée de rassembler pour mon instruction particulière un assez grand nombre de notes et de matériaux sur les Sociétés secrètes de ce pays, et de connaitre assez bien les personnages qui les gouvernent; j'étais loin de prévoir alors qu'il serait utile de dévoiler ces mystères. Que n'ai-je vécu dans un siècle où il me fût permis de les taire !
L?Europe éprouve une crise toute particulière. Sa situation morale et politique, tout-à-fait contre nature, annonce une catastrophe inévitable. L'arc est tendu aussi fort qu'il peut l'être, un dernier coup de cabestan rompra la corde.
Lorsque le christianisme changea la face du monde, la direction des esprits était à peu près là même qu'aujourd'hui ; les voies étaient préparées, les temps étaient venus : le pouvoir des empereurs, le paganisme, tombaient de vétusté ; et, comme le dit Cicéron, deux augures ne pouvaient se regarder sans rire.
Les premières réunions de chrétiens furent de véritables sociétés secrètes. Rassemblés dans les souterrains et dans
les cavernes, ils avaient leurs mystères, leurs initiés, leurs attouchemens, leurs stigmates ; tout est superstition chez les misérables humains. Les persécutions, les échafauds, les supplices, rien ne put relever les temples des idoles ; l'énergie des princes, leur puissance, leur génie, tout fut inutile, les idées régnantes triomphèrent.
Ce ne sont pas les rois de la terre qui gouvernent, ce sont les circonstances, c'est le hasard ; ils redoutent l'opinion, et l'opinion les entraîne à sa suite comme Jupiter entraîne ses satellites.
Les idées universelles, les idées dominantes, préparent une grande subversion. Elles datent d'un peu plus de deux siècles ; mais, si on considère le point de départ, on voit qu'elles ont marché à pas de géant.
Tout n'est pas encore changé, mais tout changera. Les promesses, les concessions que la force arrache aux souverains qui détrônèrent Buonaparte, ne fait qu'attiser ce feu dévorant qui couve au milieu des peuples depuis trente ans, et que son bras de fer avait seul le pouvoir d'étouffer.
L'Allemagne s'est insurgée quand les rois out appelé les Sociétés secrètes à leur secours ; ils ont triomphé par ce moyen dangereus, mais ils ne feront pas rentrer dans leurs outres les vents déchainés. Ces sociétés ont passé d'un rôle passif à un rôle actif ; après avoir reçu l'impulsion, elles la donnent : leurs doctrines gagnent çhaque jour du terrain, et dans peu la population entière fera partie de cette vaste conspiration du bien commun, rêvée depuis si longtemps par les Illuminés et les Idéologues.
Après avoir renversé l'homme qu'ils redoutaient le plus, ils menacent les trônes qu'ils ont défendus, et les minent en silence. J'ai à dévoiler des complots effrayans, des principes pervers, des plans dignes de l'enfer. Et qu'on ne croie pas l'Allemagne le seul foyer de l?incendie ; il brûle en Espagne, en France, en Italie, en Pologne ; il gagne la Russie ; l'Angleterre elle-même n'a pu s'en garantir.
On comprend quelle espèce d'intérêt les écrivains vendus à la secte des Illuminés ont à dissimuler la fin vers laquelle tendent les sociétés secrètes ; on explique cette assurance qu'on leur voit prendre à l'occasion d'un meurtre qui a jeté l'épouvante dans toute l'Allemagne. Leurs réticences ne viennent pas d'ignorance , mais de mauvaise foi.
Mon but est de suppléer à leur silence, de pénétrer dans le labyrinthe de l'iniquité ; d'y marcher l'histoire et les faits à la main. Lorsque j'ai écrit ce livre, je ne me suis flatté : ni de plaire ni de convaincre. La vérité nue est pour l'homme la plus violente des satires ; d'ailleurs, quand on vient révéler des choses si extraordinaires, il faut s'attendre à passer pour un visionnaire ; peut-être même les Illuminés étoufferont-ils ce livre, car ils sont puissans, et ils ont leur index.
Celui qui passe le temps à barbouiller du papier contre ceux qui trompent le public, le volent ou l'oppriment, doit
nécessairement trouver beaucoup de contradicteurs ; il doit s?attendre aux vociférations de la populace et aux invectives de l'esprit de parti. Cependant ces considérations ne m'auraient pas suffi pour garder l'anonyme; si je m'y suis décidé, c'est que je ne veux point assujettir à regagner mon domicile tous les jours avant le coucher au soleil, ni craindre toute ma vie l'aqua tofana. La secte proscrit et persécute tous ceux qui l'attaquent, et rarement ses victimes lui échappent.
Je sens qu'il ne suffit pas toujours aux yeux de certaines gens d'articuler un fait avéré ; qu'il faudrait nommer les imposteurs par leur nom, citer les écrits commencer une procédure en règle. Eh ! grands dieux ! qu'est-il besoin de tout cela quand le glaive est encore teint de sang ? Qui mérite le blâme de celui qui égorge froidement son semblable, ou de celui qui place une vedette sur le chemin des assassins ?
Nous n'écrivons point un libelle diffamatoire; c'est pourquoi nous n'avons désigné les personnages que par des initiales. Les coupables n'y gagneront rien, les dupes nous en sauront gré.[/justify]
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Sycophante

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[large]Charles Nodier[/large]

Histoire des sociétés secrètes de l'armée et des conspirations militaires qui ont eu pour objet la destruction du gouvernement de Bonaparte.
http://www.histoireebook.com/index.php? ... de-l-armee

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[right][small]Charles Nodier par Paulin Guérin
Musée national du Château de Versailles.[/small]
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[justify]Jacques Rémi Dahan, dans sa présentation de la Correspondance de Jeunesse de Charles Nodier (Droz, Geneve, 1995), écrit : "Bien des légendes tenaces s'effondrent définitivement : l'idée selon laquelle Charles Nodier aurait été un affabulateur de génie est si communément acceptée que la démonstration de la véracité de son témoignage apparaît plus extraordinaire que la mise en évidence des rares libertés qu'il a prises avec l'histoire !
(...) Nous avons même acquis la conviction que la plus rocambolesque des récits de Nodier, celui des événements de 1805 relatés tant dans
l'Histoire des sociétés secrètes de l'armée (1815) que dans les Suites d'un mandat d'arrêt (1834) reposait sur des faits pour l'essentiel irréfragables, le vide épistolaire de cette époque se justifiant amplement par la situation de fugitif du narrateur".

L'opinion n'est pas bien assise sur la première origine de la Société des Philadelphes.
Comme celle de toutes les Sociétés secrètes, elle est entourée de ténèbres, et peut-être de mensonges.
[/justify]

[center]_________________
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HISTOIRE DES SOCIÉTÉS SECRÈTES DE L'ARMÉE
Qui ont eu pour objet la destruction du gouvernement de Bonaparte
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INTRODUCTION
[justify]Si le sujet que j?entreprends de traiter s'était offert à la plume de Salluste ou de Machiavel, le livre qui en serait sorti pourrait être recommandé avec confiance à tous les pays et à tout les âges, comme un des plus précieux monumens de l'histoire. Les événemens qu'ils ont racontés, et que leur génie a revêtus d'un charme si puissant, étaient bien loin de présenter le degré d'intérêt qui distingue ceux dont je vais faire le récit ; et tel est le caractère de ces derniers, qu'il me rassure, jusqu'à un certain point, sur ma propre insuffisance. Leur importance doit fixer l'attention du Lecteur et la soutenir long-temps, sans qu'il soit besoin de leur prêter un genre de mérite auquel je suis peut-être incapable d'atteindre. Qu'il me suffise d'établir le plan de cet ouvrage dans quelques lignes préliminaires.
A l'instant où Bonaparte s'élevait, il se formait en France un parti rival qui avait juré sa chute, et qui devait l?opérer un jour. Cette conspiration a duré quatorze ans, a embrassé tous les rangs, tous les états de la société, s'est étendue sur l'Europe entière, et a fini par consommer la perte de la tyrannie, sans être soupçonnée , ou du moins sans être connue. Souvent déjouée dans ses plans les plus hardis, dans ses tentatives les mieux combinées, elle n'a jamais été compromise en elle-même et pénétrée dans ses secrets essentiels. Elle a vu tomber tour-à-tour ses chefs les plus distingués, ses agens les plus audacieux; mais elle leur a survécu ; et toujours puissante au milieu de ses mines qui se réparaient sans cesse, elle n'a terminé la guerre à mort, qu'elle livrait au despotisme, qu'après en avoir triomphé. Aujourd'hui même, le mystère qui l'entourait n'est dissipé qu'à demi. Les grands coups qu'elle a portés au colosse qui écrasait l'Europe, ont décelé son existence à quelques esprits judicieux; mais elle est devinée plutôt que découverte, et elle ne présente encore aux observateurs et aux historiens indécis qu'un problème difficile qu'il est permis a elle seule de résoudre.
Ceux qui ne jugent les évènements que par leurs effets, sans pouvoir remonter aux causes qui les ont produits et aux ressorts qu'on y a fait agir, sont exposés à porter d'étranges jugemens dans les temps de révolution. Ainsi, je ne crois pas qu'il y ait un seul homme de sens qui ait pu se rendre raison de la conspiration de Moreau et de celle de Mallet, sur les renseignemens qu'il est permis de tirer de leurs procédures, et des révélations tronquées dont se composent les prétendues histoires qu'on nous en a données jusqu'ici. Le voyage de Pichegru et de ses compagnons de courage, de dévouement et d'infortune, sur la foi d'un officier sans crédit, perdu de dettes et peu recommandable par la profondeur de ses vues et la sûreté de ses conjectures, serait le comble de la déraison, si le nom de Moreau avait été la seule garantie de cette entreprise, et si le rapport de Lajolais en avait été le seul n?ud. L'hésitation de Moreau ne serait pas moins inexplicable, dans le moment où cette hésitation faisait perdre tout le fruit d'une des tentatives les plus hasardées dont il soit question dans l'histoire. La conjuration de Mallet a un caractère encore plus romanesque, et l'on en devine moins les moyens. On ne peut concevoir comment un général, qui n'a pas même une certaine réputation militaire, et qui ne se recommande guère à l'estime des gens qui le connaissent que par une ténacité d'opinion qui n'a jamais influé sur le sort de sa patrie, et par quelques malheurs sans éclat, parvient dans un petit nombre d'heures à s'entourer d'officiers dévoués et à menacer le despotisme dans toute sa puissance d'une chute presque infaillible. C'est le secret de ces grands problèmes politiques que je me propose de donner, quoique je ne me dissimule point, dès le commencement de ma tâche, que mon récit doit souvent paraître invraisemblable à ceux pour qui toutes les notions sur lesquelles il repose sont entièrement nouvelles. Je conviens que peu d'histoires écrites à plaisir, sous l'inspiration d'une imagination exaltée, le cèdent en singularité à celle- ci, et cependant il n'y a rien qui ressemble moins à un roman.
Six mille Français ont été dans la confidence de tous les faits principaux, et quant aux faits qui par leur nature ne peuvent avoir été communiqués qu'à un petit; nombre de personnes, plus de vingt existent encore qui les connaissent tout aussi bien que moi. Si je ne me nomme point à tête de ces Mémoires, la suite en expliquera les raisons, et je ne m'en soumets pas moins en écrivant à toute la responsabilité d'un homme d'honneur qui s'engage à ne dire que la vérité, et à la dire toute entière, autant qu'elle peut sans manquer à ses sermens, ou sans choquer des intérêts personnels respectables. J'ai cependant hésité longtemps à publier les faits dont je parle, et je dois examiner rapidement la considération qui m'arrêtait, quoique je ne pense pas qu'un homme de bonne foi puisse la convertir en reproche contre moi, de quelque opinion qu'il soit d'ailleurs.
L'histoire que je raconte est celle d'une Société secrète, dont le secret s'est si bien conservé que son nom même est à peine connu hors de son propre sein, quoiqu'elle ait failli plusieurs fois influer sur le sort du monde. Je suis membre de cette Société secrète, et je suis lié à ses lois par les engagemens les plus sacrés. De quel droit osai-je donc la révéler à la France et à l'Histoire, et quelle puissance supérieure me dégagera des promesses que je lui ai faites, quand elle daigna m'admettre à ses projets et à ses mystères ?
Je réponds que l'existence de cette Société n'a jamais été que temporaire; que la Société avait un but de restauration qui est rempli, et qu'à dater du moment où elle manque de but, elle rentre dans la catégorie des institutions ordinaires de ce genre; que les révélations qui font l'objet de mon ouvrage ne portent que sur l'influence historique de cette Société, sur l'action de ses principaux membres, sur les vues et le caractère de ses chefs ; qu'elles ne compromettent ni sa doctrine, ni ses pratiques, ni ses signes de reconnaissance, ni le lieu de ses rassemblemens, ni le nom des hommes distingués par leur esprit ou par leur bravoure, qui font encore aujourd'hui l'ornement de l'institution; que je ne me suis permis de nommer que les morts, et toujours d'une manière glorieuse pour leur mémoire. Enfin, j'ajoute, pour compléter ma justification, qu'il n'y a point de Société secrète qui n'ait souffert l'impression de ses annales, et même celle de ses statuts et de sa discipline intérieure. Mes sermens ne m'ont point attaché d'une manière si stricte que je ne puisse nommer un corps respectable qui tient des assemblées connues dans différents lieux du monde, sans y dissimuler son existence ; et si ce nom parait pour la première fois dans un livre, je ne crois pas qu'on puisse me faire un crime d'avoir rompu le premier le silence qui le tenait caché, quand il est de fait que ce silence n'est point obligatoire dans les statuts et réglèmens de l'ordre.
Cette justification reçue, j'ai peu à c?ur de me défendre contre les autres reproches qui pourront s'élever contre moi. Étranger à l'art d'écrire, j'ai passé quinze ans de ma vie au milieu de la poudre des armes, et depuis que mes blessures m'ont forcé à quitter l'armée, je ne m'occupe que des soins de l'agriculture, doux repos de mes fatigues passées. Ce n'est guère dans le tumulte des camps et dans les travaux de la vie rurale qu'on peut se préparer des succès littéraires, et je ne m'en suis point promis.
Toutes mes espérances se bornent à rendre encore un service important à l'Etat auquel je suis dévoué, et à la Société particulière dont j'ai l'honneur d'être membre; le Roi ne peut que gagner à connaître les serviteurs zélés et fidèles qui provoquaient son retour par leurs v?ux et par leurs efforts.
Quant à l'institution elle-même dont les destinées sont actuellement accomplies d'une manière irrévocable, elle était digne d'être consacrée par un monument plus durable et par des plumes plus éloquentes; mais elle ne pouvait pas recevoir un hommage plus pur que le mien.[/justify]
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