Dybowski Jean - Le Congo méconnu, sauf de Tintin ...

Moderator: Le Tocard

Post Reply
Riton le Besogneux

Post by Riton le Besogneux »

[large]Dybowski Jean[/large]
Le Congo méconnu

http://www.histoireebook.com/index.php? ... go-meconnu
Le Congo méconnu (45.89 MB)

Image
[center]Cours de couture dans une école des s?urs de la charité à Nsona-Mbata, Congo belge, 1910.[/center]
[justify]Ces populations sont celles que M. Dybowski considère avec raison comme les plus capables de fournir des bras aux colons. Elles sont très douces, même, comme il le fait observer, lorsqu'elles s'adonnent à l'anthropophagie pour s'alimenter de viande, ? pratique appliquée du reste aux seuls ennemis tués dans tes combats ou aux malfaiteurs condamnés à mort par les chefs des villages.
Elles sont, de plus, habituées à la vie sédentaire et à la culture du sol, dont elles vivent exclusivement dans les rares villages situés loin des fleuves et qui ne peuvent pas s'adonner à la pêche.
C'est parmi ces populations que les tribus musulmanes capturent les jeunes hommes, les femmes et les enfants dont ils font des esclaves. Le seul fait d'être protégées contre l'abominable exploitation dont elles sont les victimes désignées, mais non résignées, suffit pour leur faire accepter avec satisfaction la présence des Européens. Lorsque ceux-ci savent ajouter à leur protection les moyens de faire gagner de ces malheureux de quoi se procurer quelque bien-être par un travail modéré, ils s'attachent rapidement à nos postes militaires ou à nos colons.
Le jour où la colonisation française voudra faire les sacrifices nécessaires pour défricher les excellentes terres des bords de l'Ogôoué, du Congo, etc., ce ne sont pas, affirme M. Dybowski, les travailleurs qui lui feront défaut, à la condition, bien entendu, que ceux-ci soient traités avec bienveillance, convenablement payés, soignés dans leurs maladies, etc.
Dans ces conditions, on les verra, sans aucun doute, se livrer au travail qui, dans les climats très chauds, doit nécessairement être modéré.[/justify]
[---]
Image
[center]Couverture de Tintin au Congo dans l'édition des presses du Vingtième siècle.[/center]

Image
[center]Couverture de l'album (version 1946).[/center]

[large]* Eduquer.[/large]
Image
[center]Le cours d'histoire sur la Belgique de la version originale (1931)
se transforme en un cours d'arithmétique dans la version de 1946.
[/center]
Le 28 juillet 1885, dans son fameux discours devant les députés, Jules Ferry évoque la ?mission civilisatrice? de l'Europe. « Je répète qu?il y a pour les races supérieures un devoir pour elle. Elles ont le droit de civiliser les races inférieures. » Il convient donc d'"éclairer" ces populations. Cette éducation passe par l'apprentissage de la langue, mais aussi de l'histoire, mais pas n'importe laquelle, celle de la métropole. Ainsi, en Belgique comme en France, l'objectif des autorités reste l'assimilation des populations colonisées. Dans cette optique, elles ne doivent donc rien ignorer du passé de leurs métropoles respectives. En Afrique occidentale française, les enfants s'intéressent à leurs "ancêtres les Gaulois". Tintin, quant à lui, s'adresse à ses élèves, non sans condescendance ( "mes chers amis") comme suit: "(...) je vais vous parler de votre patrie: la Belgique". Son cours s'interrompt très vite, puisqu'un léopard pénètre dans la salle de classe. On notera au passage que, loin de déserter, le bon Tintin est prêt au sacrifice. Il est responsable de ses élèves qu'il doit défendre coûte que coûte, quitte à y laisser la vie. C'est aussi une manière pour le dessinateur de souligner l'abnégation des colons qui donnent le meilleur d'eux-même pour les colonies, à l'image de la mère-patrie, toujours prodigue à l'égard de son empire ou de ses colonies.
Image
_______________
A l'époque, l?enseignement élémentaire est parfois dispensé dans les langues indigènes, mais l?enseignement secondaire et supérieur l?est toujours dans la langue du colonisateur. Il y a une volonté d?acculturation des populations, et surtout des élites (celles-ci retourneront d'ailleurs souvent les valeurs de la métropole contre elle). La difficile maîtrise du français et les fautes de syntaxe abondent dans la bouche des Congolais dans la bande dessinée. Ils s'expriment en "petit nègre", un sujet de moquerie classique dont Hergé ne se prive pas. Par contraste, le chien, doté de la parole (ce qui est en soi surprenant) s'exprime beaucoup mieux que les Hommes.
[justify]L'extrait ci-dessous d'un manuel scolaire des frères de Saint-Gabriel, au Congo belge, en 1937 vaut sans doute toutes les explications. Il est important de savoir que cet ouvrage était rédigé en lingala, la langue vernaculaire la plus usitée au Congo.[/justify]
[large]Il s'agit ici d'une leçon intitulée "Congolais":[/large]
"Le Congo est un grand pays renfermant la forêt et des eaux. Dieu y a mis beaucoup de bêtes pour nourrir les hommes. Les Noirs vivent au Congo. Jadis ils étaient des sauvages, mais actuellement leur intelligence s'est développée, rapidement. Nous remarquons que beaucoup d'argent sort des mains des travailleurs. Quelques Noirs sont capables de s'acheter un vélo ou une machine à coudre.
Mais la richesse de la terre est vaine devant Dieu. Les prêtres sont arrivés chez les Noirs pour apprendre aux sauvages la foi en Dieu. Beaucoup de Noirs se sont convertis à leur enseignement. Voilà pourquoi nous rencontrons de nombreux bons chrétiens au Congo.
Les prêtres soignent L'âme des Noirs ; des médecins soignent le corps des malades. A dire vrai, la terre du Congo est en train de progresser sur la voie de l'éducation. Nous rendons grâce à Dieu pour avoir envoyé des Belges dans notre pays."

Rappelons pour terminer sur ce point qu'il ne faut pas exagérer l'importance de cette scolarisation qui concerna toujours un très faible pourcentage d'enfants. Ainsi, d'après Bernard Droz (voir sources), à la fin des années 1930, le taux de scolarisation n'atteint que 4% en AOF et 1% en AEF. A n'en pas douter, les chiffres pour le Congo belge devaient être approchants.

[large]* Juger et pacifier.[/large]
Image
A plusieurs reprises, on peut voir Tintin rendre des jugements afin de clore des différends opposants les populations indigènes entre elles. Tel le sage Salomon, il ne trouve rien de mieux que de couper en deux un chapeau afin de satisfaire deux hommes qui se le disputent Ces derniers partent satisfaits du verdict rendu, même si leur moitié de chapeau ne leur est plus d'aucune utilité. De la même manière, nous le verrons plus loin, c'est Tintin qui ramène la paix et permet de mettre un terme aux querelles intestines qui minent la région. Certes les Européens forment des auxiliaires "indigènes" qui les aident et les secondent dans leurs tâches administratives. Or, comme le rappelle Jean-Pierre Chrétien (voir sources): " Finalement le "bon Africain", quand on lit la littérature coloniale, c'est celui qui reste dans son village avec son chef traditionnel. Les autres, précisément ceux qui "évoluent", sont considérés comme des déracinés, des gens qui mentent, des fauteurs de troubles."

[large]* Soigner.[/large]
Image
La médecine traditionnelle, largement teintée de superstition, s'avère bien incapable de combattre les maladies qui affectent les populations congolaises. A contrario, le savoir faire de Tintin fait merveille et permet de remettre sur pied en un tour de main le malade qui était jusque là aux mains d'un charlatan.

Dans ce dernier domaine, les réalisations des autorités coloniales ne sont pas négligeables. En parallèle avec l'action des missionnaires, elles participent aux progrès de l?hygiène et de la médecine et contribuent ainsi à ce que la population indigène s?accroisse fortement (du moins une fois passées les terribles hécatombes liées au travail forcé en Afrique centrale) . Il faut dire aussi que ces innovations intéressaient les colonisateurs pour leur propre santé. Des enquêtes sont menées sur les épidémies, les découvertes dans la lutte contre le paludisme ou la maladie du sommeil, permettent en outre de légitimer la colonisation.

[large]* Mettre au travail ou la justification du travail forcé.[/large]
Image
L'idée que "l'Africain" se complaisait dans l'oisiveté, qu'il était naturellement paresseux a pris corps lorsque les Européens ont voulu utiliser sa force de travail dans le cadre de la traite des Noirs. Le stéréotype se développe durant la période coloniale. Dès le début de la conquête, les Etats colonisateurs eurent besoin de main d'?uvre pour le portage, pour l'exécution de travaux d'équipements. Les dures conditions de travail, très faiblement rémunéré, n'attirèrent guère les agriculteurs locaux. Aussi, les gouvernements coloniaux utilisèrent différents moyens pour obtenir les travailleurs dont ils avaient besoin. Le système des prestations ou corvées s'accompagna de nombreux abus. La main d'?uvre restant toujours insuffisante, l'administration eut recours au travail forcé. Dans ces conditions, on comprend le peu de zèle des populations exploitées. Or, nombre de colonisateurs justifièrent l'emploi du travail forcé par la nécessité de civiliser les Africains.

Ainsi, Jean Brunhes Delamarre, dans son ouvrage "La France dans le monde, ses colonies, son empire" (1939) écrit en conclusion de son chapitre consacré à l'Afrique noire :

"La France a commencé par poursuivre une politique alimentaire. Jusqu'à notre arrivée, sauf peut être au Sénégal, les indigènes ne se nourrissaient qu'avec des produits de cueillette. Maintenant ils cultivent plus régulièrement des champs, et en bien des régions, ayant ainsi des vivres en suffisance, ils se nourrissent mieux. Mais il a fallu souvent vaincre la force d'inertie du Noir. Est-il sous alimenté, lui proposer gratuitement des semences de paddy suffit il ? Est-il dans la misère, essayer simplement de le soulager suffit-il ? Ne vaut-il pas mieux, pour sa propre dignité, l'astreindre au travail en attendant qu'il ait repris le goût de l'effort et la pratique des bonnes méthodes culturales ?"

[large]*Diriger et administrer.[/large]
Image
Sur cette planche, Tintin est celui qui trouve la solution au problème en remorquant, grâce à une belle automobile européenne, la locomotive fatiguée. Son ingéniosité et sa débrouillardise interpellent les indigènes. Ces derniers, manifestement impressionnés, proposent d'eux-mêmes au jeune reporter de rencontrer le chef local. Ce dernier convie alors Tintin à l'une de ses parties de chasse.
Image
Au fond , même lorsqu'il est exploité par un colon, en tout cas un Blanc, l'indigène, soumis, se tourne automatiquement vers un autre blanc, comme si il avait intégré son incapacité à trouver une solution à ses problèmes. Ci-dessus, le garçonnet est humilié jusqu'au bout puisque c'est Milou, un vulgaire cabot, qui le ramène à la raison. Paternaliste, il rappelle à l'enfant qu'il se trouve entre de bonnes mains, celles du colonisateur. Il ne peut donc rien lui arriver de mauvais.

[large]* le décalage technologique.[/large]
Image
[center]Ci-dessus encore, les équipements du chef local sont peu fiables ou mal utilisés.[/center]
Plusieurs dessins diffusent l'idée que la "civilisation européenne" représente UN modèle indépassable à suivre. De nombreuses planches permettent de souligner la supériorité technologique européenne. Lorsque le train percute la voiture de Tintin, c'est lui qui déraille et non l'automobile (ce qui se passe plutôt rarement dans la réalité!!!).

Un seul recours possible dans ces cas là, utiliser le savoir faire et la technologie européennne pour triompher d'autres potentats locaux (ci-dessus). Cette manière de présenter les populations indigènes est récurrente dans l'album. Les Africains singent le mode de vie des Européens de manière particulièrement grotesque.

[large]* Des populations belliqueuses.[/large]
Image
Ce qui nous amène à évoquer un autre poncif maintes fois répété: les populations autochtones sont belliqueuses et passent leur temps à s'entredéchirer en d'interminables guerres civiles.

Au fond, seul le sens de la diplomatie et de la médiation des Européens permettra de ramener un semblant de calme entre les chefs de tribu. Le fait que la grande guerre ait déchiré l'Europe, dont l'histoire est émaillée de nombreux conflits meurtriers, semble alors bien vite passé sous silence.

[large]* Les missionnaires comme relais actifs de l'administration coloniale.[/large]
Image
Les missionnaires propagent le christianisme. Leur action est aussi sociale : rachat d?esclaves, fondation d'orphelinats et d'hospices, combat pour la monogamie. Ils partagent avec l?administration coloniale l?enseignement et l?action médicale (voir plus haut).

[large]* la consécration.[/large]
Image
Des populations, conscientes de leurs limites, qui acceptent la domination du Blanc. Elles se placent sous la férule, ferme mais juste, de Tintin. Ce dernier devient une référence indépassable en matière de bonté, d'efficacité, d'ingéniosité. Même Milou devient un modèle pour les chiens congolais, qui appartiendraient donc, eux aussi, à des "races inférieures" de canidés... Les populations vouent même un véritable culte au jeune reporter et à son fidèle compagnon, manière de souligner la crédulité de populations superstitieuses, qui se prosternent devant leurs nouvelles idoles.

Enfin, et pour être tout à fait honnête, n'omettons pas l'ultime pirouette de la bande-dessinée. En effet, l'auteur laisse entendre que les vrais méchants sont les Occidentaux, en tout cas certains d'entre eux, dépeints sous les traits d'affreux mafieux qui se livrent au pillage de l'Afrique. Rappelons aussi les prises de position tiers-mondistes d'Hergé dans ses albums ultérieurs.
Image
Tout cela ne saurait néanmoins effacer l'impression d'ensemble. Même dans sa version de 1946, Hergé propose une vision particulièrement paternaliste, voire raciste, du monde colonial. Ces dernières années, des plaintes portées par des associations ou des particuliers au Royaume uni, en Belgique et en France, visent à interdire la BD, ou en tout cas la censurer. On peut s'interroger quant à l'opportunité de telles démarches. Juger le contenu d'une oeuvre n'a de sens que si on la replace dans le contexte de son époque.
___________
[large]Sources :[/large]
* P. Assouline : "Le siècle de Tintin grand reporter", L'Histoire, n°317, février 2007.
* Entretien avec J.P. Chrétien. Les collections de l'Histoire.
* Un regroupement de documents sur le site Strabon : "Quelle éducation pour les colonisés ?".
* Bernard Droz : La fin des colonies françaises, Découvertes Gallimard, 2009.
Sycophante

Post by Sycophante »

On pourra prendre connaissance avec intérêt des ouvrages suivants, avant que la Terre ne bascule :
Durkheim Emile
* Organisations juridiques et sociales de Bantous congolais
* Organisation sociale en Afrique orientale
* organisations sociales des Baganda
* et beaucoup d'autres...

Gentil Émile
* La mission Gentil du Congo au lac Tchad

Shégués
Enfants du Congo.pdf
[justify]«Dans les années 60, 70 voire 80 on ne parlait pas du mouvement de réveil spirituel en République Démocratique du Congo (RDC), en ce temps-là le peuple avait du travail, à manger et le pays tout entier était propre?la capitale Kinshasa était surnommée Kin La Belle.
Aujourd?hui alors que la RDC baigne abondamment dans la parole de Dieu et que les églises de réveil naissent tous les jours comme par génération spontanée, nos rues, elles, sont remplies de Shégués».
Jusqu?ou ? Jusqu?à quand ? Comment en sommes-nous arrivé là ?
Ce livre vous aidera à comprendre et à réaliser l?ampleur et les conséquences de ce problème.[/justify]


[center][youtube]http://www.youtube.com/watch?v=xIQQryu5n80[/youtube][/center]


* Les bienfaits de l'épuration ethnique
[justify]En apparence le fait de savoir que ces braves gens sont arriérés, selon nos critères, quoique, n?empêchent nullement qu'ils aient une organisation sociale. Nous aurons ainsi la pré-science de mieux appréhender notre avenir, vu que l'effort de colonisation de notre continent européens par cette espèce et grâce à l'aide des chancres de l'économie mondiale pour en faire des esclaves corvéables et soumis à leur merci, vont bientôt nous donner à croire que nous ne sommes plus chez nous.
L'avenir de nos nations (province) devient fort compromise... par le métissage ...
[/justify]

Le Coltan dans tous cela ?
* Les spéculateurs du coltan - Haro sur le Congo
[small]Raf Custers - 19 mai 2010[/small]

Le 8 décembre 2009, un certain Ron MacDonald participe à une réunion de travail à l?OCDE, à Paris. MacDonald se présente comme conseiller en politique internationale d?une société minière canadienne. La réunion traite des investissements dans le secteur minier et de la façon dont les minerais « contaminés » peuvent être éloignés du commerce. Le Congo ne figure pas expressément à l?ordre du jour de la réunion. Mais MacDonald détourne toutefois la discussion dans cette direction, au moyen d?une intervention qui est loin d?être du goût de tous les participants. Il plaide, ni plus ni moins, pour un embargo contre l?exportation de ces minerais à partir du Congo. Le sort des Congolais n?est cependant pas la préoccupation majeure de MacDonald. Il n?est là que pour défendre les seuls intérêts de la firme qui a loué ses services.

L?OCDE, l?organisation des pays occidentaux les plus riches, est elle aussi préoccupée par le commerce des minerais. Il y est question de minerais « sales » ou « contaminés ». Plus d?une organisation d?aide au développement se plaint que ces minerais entrent dans la fabrication d?appareils électroniques à usage quotidien. On les dit « contaminés » parce qu?ils sont extraits dans des conditions indignes pour les travailleurs. Par exemple, dans les mines exploitées par les rebelles et où des enfants doivent également travailler en tant qu?esclaves. Il s?agit surtout ici du tantale, le minerai entrant aussi dans la fabrication de certains composants des GSM, ou du minerai d?étain (cassitérite). Ces deux minerais sont entre autres produits dans l?Est du Congo, une région qui, depuis 1994, a été dévastée par des guerres successives et qui est demeurée très instable. Pour empêcher les minerais sales de débarquer dans le circuit commercial, l?OCDE entend pratiquer la « due diligence » (contrôle rigoureux) [1]. Les commerçants ou les utilisateurs des minerais doivent donc chercher à vérifier activement si leurs matières premières proviennent bien de mines « propres », exploitées légalement et de façon normale.

Auprès de l?OCDE, MacDonald représente la firme Commerce Resources, une entreprise minière de Vancouver au Canada. D?après nos recherches, Commerce Resources n?a pas d?intérêts miniers au Congo. En 2008 et 2009, la société n?apparaissait sur aucune liste des propriétés minières dans l?Est du Congo. À la réunion de l?OCDE participent également des entreprises qui, au Congo, achètent surtout de l?étain. Il semble qu?elles n?aient guère été enchantées du message de MacDonald, estimant que le Canadien contrecarre leurs activités et que Commerce Resources est sur le même pied que deux poids lourds du commerce du tantale, à savoir Cabot et Talison, sur lesquels nous reviendrons plus loin. D?autres participants ne connaissent même pas Commerce Resources et se demandent qui est ce Chevalier blanc au message si peu engageant.

MacDonald n?a jamais réagit à nos demandes d?informations. Nous avons toutefois pu vérifier que l?homme n?est nullement un expert minier, mais bel et bien un lobbyiste. Il est à la tête d?une société de marketing, Cansource Marketing, et c?est via cette société qu?il s?est fait engager par Commerce Resources. En septembre 2009, Commerce Resources a payé à Cansource Marketing des honoraires pour services rendus. MacDonald et son partenaire Mark Buggio (ou Baggio selon d?autres documents) ont reçu un portefeuille de 8750 actions de Commerce Resources cotées au Venture Exchange de la Bourse de Toronto. MacDonald et Buggio sont ainsi devenu co-actionnaires de Commerce Resources.

Comme on l?a dit, Commerce Resources n?a pas de plans au Congo mais, au Canada, la société entend lancer deux mines : le projet Eldor dans la province du Québec et le projet Blue River, en Colombie-Britannique. À Eldor, un domaine de près de 19.000 hectares, Commerce Resources a découvert, entre autres, des sédiments de tantale. Depuis 2008, la société est occupée à répertorier les veines de minerai. À Blue River aussi, une concession d?environ 1000 km², se trouve également un gisement de tantale, prétend Commerce Resources. Si on veut comprendre l?engouement de la firme vis-à-vis du Congo, il ne faut pas chercher plus loin. Commerce Resources a besoin d?argent et de clients afin de financer ses projets à Eldor et Blue River. Elle essaie d?attirer des acheteurs mais surtout, dans la phase actuelle, des investisseurs via les Bourses de Toronto et de Francfort, où elle chaque fois notée. Afin d?intéresser ces investisseurs, elle suit une double tactique. Elle présente Eldor et Blue River comme des mines très prometteuses, « propres » et sûres. Et elle noircit systématiquement le Congo.

Le lobbying politique

La campagne de Commerce Resources dure depuis plus longtemps déjà. Mais ce n?est qu?aujourd?hui qu?elle s?intensifie vraiment. Au début, le Congo ne recevait des volées de bois vert que dans les textes de la firme. Dans une brochure de février 2009 sur Blue River, Commerce Resources écrit : « L?exploitation minière dans cette partie du monde [l?Afrique, RC] s?opère souvent de façon illégale et est associée à des violations extrêmes des droits de l?homme et il est bien connu que les produits de la vente du coltan africain servent à soutenir la violence militaire et tribale [2]. »

Sur son site Internet, Commerce Resources joue la corde sensible du sentiment envers la nature. Le Congo et son voisin le Rwanda sont cités dans un même souffle, et la chose ne peut que marquer les esprits. Puis le texte poursuit : « La guerre civile, le pillage des parcs nationaux et l?exportation au profit du financement des milices, font que l?organisation internationale du tantale déconseille fortement à ses membres d?acheter du minerai dans les territoires où le bien-être des humains aussi bien que la vie sauvage et la nature sont menacés [3]. » La conclusion est toute prête : les acheteurs doivent s?approvisionner à des « sources respectueuses de l?éthique comme Blue River », là où des lois stables protègent les droits de l?homme et l?environnement. Même si Blue River n?est pas encore productif et les acheteurs devront payer le prix fort [4].

Entre-temps, Commerce Resources a rejoint un lobby nord-américain contre le Congo. Le noyau dur de ce lobby provient de l?establishment politique des États-Unis. L?Enough Project y est très actif. Le cofondateur d?Enough, John Prendergast, est désormais catalogué d?activiste des droits de l?homme. Mais, sous le président Clinton, il dirigeait le bureau des Affaires africaines auprès du Conseil de la sécurité nationale et il était conseiller spécial auprès du ministère américain des Affaires étrangères. Enough cible l?opinion publique américaine. Désormais, il racole du soutien actif pour deux propositions de loi, le Congo Conflict Minerals Act (Loi sur les minerais liés au conflit congolais) au Sénat américain et le Conflict Minerals Trade Act (Loi sur le commerce des minerais liés au conflit), à la Chambre des représentants [5]. Ces propositions compliquent à l?extrême la tâche des entreprises américaines qui envisageraient d?acheter des « minerais liés au conflit » congolais [6]. Si ces propositions passent, il y aura de fait un embargo américain contre les minerais congolais. Dans la pratique, l?Enough Project fait déjà en public le procès des entreprises qui traiteraient du tantale en provenance du Congo, comme la firme Niotan, au Nevada [7].

Commerce Resources ne se contente pas de sympathiser avec ce lobby, elle fait également sa publicité. Le 21 avril 2010, dans un message sur Facebook, Commerce Resources cite un lien renvoyant à Enough. Le groupe de pression vient tout juste de se démener pendant dix jours pour renforcer la campagne pour le Conflict Minerals Trade Act. Et ses efforts sont payants. Le 23 avril, via Facebook, un certain Shaun Ledding fait savoir à Commerce Resources : « L?intérêt pour la recherche des métaux bruts tel le tantale en provenance des zones sans conflit va croissant. » Il s?avère que Ledding est l?un des cinq directeurs de Commerce Resources.

La compagnie introduit également le lobby pro-embargo dans le monde des affaires. Début avril 2010, se tient au Crowne Plaza de Los Angeles le Rare Metals Summit (Sommet des métaux rares), une bourse professionnelle pour les producteurs et les négociants. Commerce Resources est le principal sponsor de cette bourse. La firme peut donc marquer de son sceau le déroulement de l?affaire. Elle fait intervenir ses propres directeurs comme orateurs dans divers groupes de travail. Et elle largue un certain Ron MacDonald sur le panel du groupe de travail « Sustainable Mining » (Exploitation minière durable). Mais, cette fois, MacDonald n?est pas là en qualité de conseiller de Commerce Resources, mais en tant que président de... CanSource International. Et qui accompagne MacDonald dans le panel ? Un certain David Sullivan, de... Enough. C?est dans le besoin qu?on reconnaît ses amis. Le message du duo fait mouche. Via Twitter, Commerce Resources fait savoir que des « officiels américains » - en se gardant bien de les nommer - se font du mouron. Ils n?achèteront pas de tantale du Congo pour les stocks stratégiques des États-Unis. « On a besoin de nouvelle marchandise propre », conclut-on sur Twitter.

Crise dans le secteur

Si, par pur intérêt égoïste, il n?y avait qu?une seule entreprise pour échauffer les esprits contre le Congo. Mais il y en a bien davantage. D?après Enough Project, le membre du Congrès, James McDermott, est soutenu par plusieurs fabricants d?électronique [8]. De quelles entreprises il s?agit n?est pas très clair. Mais, tout bien pesé, tous les importants acteurs du tantale ont intérêt à couper les arrivages du Congo. En janvier 2010, un journal australien écrit que la firme Talison mène « la lutte contre le tantale sanglant ». « Les entreprises d?électronique et autres utilisateurs finaux peuvent aujourd?hui acheter du tantale auprès de fournisseurs responsables et respectueux de l?éthique. Et le pouvoir des consommateurs peut contribuer à faire progresser cette cause », déclare David Miller, un patron de Talison [9]. Quelle hypocrisie !

Talison est potentiellement le plus gros producteur de tantale au monde. Mais, en 2008, la firme a fermé sa mine de Wodgina pour diverses raisons : avec la crise économique, la demande de tantale sur le marché mondial s?est effondrée, l?industrie électronique a comprimé ses coûts et cela a accru la demande de tantale bon marché entre autre en provenance du Congo. Et Talison ne pouvait rien y faire. Pourquoi Talison prétend-il mener des actions en faveur du tantale propre ? La réponse est simple. Déjà, en 2008, Talison se plaignait de ce que le prix du tantale demeurait à peu près stable, alors que les prix du cuivre, de l?or, du nickel et de l?étain augmentaient. Talison déclare depuis 2009 qu?il va rouvrir Wodgina. « Mais », dit un trader, « Talison veut que les prix commencent d?abord par augmenter sérieusement. Le prix du tantale tourne autour de 40 dollars la livre, alors que Talison veut le faire monter à 120 dollars. » C?est faisable en réduisant considérablement l?offre. Et pourquoi pas celle en provenance du Congo ?

Un autre acteur important n?est autre que Cabot, aux États-Unis. La firme a une mine de tantale dans le Manitoba (Canada) mais fournit également du tantale raffiné en tant que matière première à l?industrie électronique. Cabot fait sa propre publicité en affirmant qu?il n?achète en aucun cas de tantale du Congo. Notre tantale, dit la firme sur son site Internet, nous le tirons exclusivement de notre propre exploitation au Manitoba, chez Talison (Wodgina) et chez Noventa, qui possède une mine au Mozambique. Cette déclaration date d?août 2008 [10]. Depuis lors, bien des choses ont changé. Car, comme nous l?avons dit plus haut, Talison a mis à l?arrêt son importante mine de tantale et, de plus, Cabot et Noventa ont fait pareil. Mais Cabot est loin d?être en cale sèche. Selon des initiés, la firme dispose de stocks de tantale suffisants pour tenir deux ans.

Un autre acteur de poids est HC Starck, une société établie à Goslar, près de Hanovre, en Allemagne. À l?instar de Cabot, HC Starck est un intermédiaire entre les sociétés minières et les utilisateurs de tantale. En compagnie de Cabot et de la firme Ningxia en Chine, HC Starck achèterait sur le marché mondial 70 % de tout le tantale brut. Et il paraît que HC Starck, lui aussi, a des stocks importants, pour l?instant.

S?enrichir sur le dos des Congolais

Il s?avère maintenant que le Congo devient un facteur important pour sortir de cette impasse des gros stocks et des bas prix. En automne 2009, un analyste américain annonce que la tendance va changer. Du fait que l?on a considérablement réduit l?offre et que les stocks peuvent donc d?épuiser rapidement, dit-il, nous pourrions être confrontés dans les trois ans à une sérieuse pénurie de tantale. En ce moment, poursuit-il, il n?y a plus que trois sources d?approvisionnement, à savoir le Brésil, la Chine et quelques mines en Afrique. Et c?est alors qu?il sort une conclusion surprenante : espérons que deux nouvelles mines commencent à fonctionner au Canada, « dont l?une est Blue River », car ce seront « les deux sources de tantale acceptables et respectueuses de l?éthique » [11]. Cet analyste a-t-il succombé au marketing de Commerce Resources ? Quelques mois plus tard, HC Starck voit également une nouvelle tendance. La firme allemande déclare que les prix reviennent à la normale et ce, pour une raison remarquable : « Les prix sont sous pression parce que les utilisateurs finaux réclament désormais des matériaux irréprochables sur le plan de l?éthique. Et on assiste actuellement à un glissement dans les achats, du Congo frappé par des conflits, vers d?autres fournisseurs, et ce glissement va aboutir à des prix plus élevés [12]. »

S?il existe une source de contamination dans le secteur du tantale, il semble qu?il faille la chercher du côté de Commerce Resources plutôt que dans l?Est du Congo. Le développeur de projet canadien - car, pour l?instant, Commerce Resources n?est rien de plus - impose en la ressassant une image négative du Congo afin de faire tourner sa propre boutique. C?est le comble du cynisme. En effet, ce « marketing du conflit » se sert abusivement du Congo pour faire grimper le cours en bourse de Commerce Resources. Cela n?améliorera en aucun cas la situation des Congolais.

Raf Custers
____________
Notes

[1] La réunion de l?OCDE du 8 décembre 2009 avait été annoncée sous l?intitulé : « Promotion des investissements responsables via la facilitation de la due diligence. »
[2] « Le coltan est la dénomination africaine du tantale exploité dans les mines de la République démocratique du Congo (RDC), en Afrique de l?Est. Les Nations unies rapportent que l?exploitation minière dans cette partie du monde est souvent pratiquée illégalement et associée à des violations extrêmes des droits de l?homme. En outre, on sait que les fonds émanant de la vente du coltan servent contribuent entre autres à soutenir la violence militaire et tribale. » Dans : Blue River Tantalum-Niobium Project. Commerce Resources Corp. Newsletter, février 2009.
[3] « Dans le passé, les pays de l?Afrique centrale, tels la République démocratique du Congo (RDC-Kinshasa), le Rwanda et leurs voisins ont été la source de tonnages importants. La guerre civile, le pillage des parcs naturels et l?exportation des minerais, diamants et autres ressources naturelles en vue de financer des milices ont poussé des organisations comme le Centre d?études international sur le tantale-niobium (TIC) à insister auprès de leurs membres pour qu?ils veillent à obtenir leurs matières premières auprès de sources légales. Les membres sont vivement encouragés à s?abstenir de se procurer leur marchandise dans des régions où le bien-être humain ou la nature sont menacés. » Dans : About coltan. Commerce Resources Corp. Voir : www commerceresources.com/s/AboutTantalum.asp
[4] « Cela repose sur cette conscience de ce qu?il y a un mouvement souterrain permettant aux acheteurs de payer des primes pour du tantale garanti « propre », en provenance de mines respectant davantage l?éthique, comme Blue River, du Canada. La Colombie-Britannique et le Canada proposent un environnement politique stable, avec des lois stables protégeant les droits de l?homme et l?environnement. Ces considérations préoccupent de plus en plus les investisseurs et les acheteurs de tantale et de niobium qui cherchent des contrats à long terme et des sources sûres d?approvisionnement en tantale. » Dans : Blue River, op. cit.
[5] Pour un florilège des slogans utilisés, voir par exemple www enoughproject.org/publications/eastern-congo-action-plan-end-... en www raisehopeforcongo.org/special-page/take-action-congo
[6] En avril 2009, une proposition de Congo Conflict Minerals Act a été introduite au Sénat américain par les sénateurs Sam Brownback (rép.), Dick Durbin et Russ Feingold (dém.). Voir : www govtrack.us/congress/bill.xpd?bill=s111-891 En novembre 2009, une proposition de Conflict Minerals Trade Act a été introduite à la Chambre des représentants par James McDermott (dém.). Voir : www govtrack.us/congress/bill.xpd?bill=h111-4128
[7] Voir : www enoughproject.org/blogs/niotan-inc-fails-address-concerns-abo...
[8] John Prendergast & Sasha Lezhnev, From Mine to Mobile Phone. The Conflict Minerals Supply Chain (De la mine au mobilophone. La chaîne d?approvisionnement des minerais du conflit).
[9] « Il existe pour les sociétés d?électronique et autres utilisateurs finaux du tantale une réelle opportunité de se procurer leur tantale uniquement à partir d?une source responsable et soucieuse de l?éthique. (...) Le pouvoir des consommateurs nous aidera à résoudre cette question. » Dans : Kate Emery. Talison leads charge to halt ?blood tantalum? (Talison mène la charge afin de bloquer le « tantale sanglant »), The West Australian, 16 janvier 2010.
[10] www cabot-corp.com/Tantalum/Capacitors/Product-Information/GN2008...
[11] Australia?s Talison to restart Wodgina tantalum mine (La firme australienne Talison sur le point de rouvrir sa mine de tantale de Wodgina), Reuters, 23 septembre 2009 ; Tantalum industry in dire need for new resources (L?industrie du tantale a un besoin urgent de ressources nouvelles), Reuters, 21 octobre 2009.
[12] H.C. Starck reacts to reversal of price trends in raw materials (HC S réagit au revirement de la tendance des prix des matières premières). Communiqué de presse, 25 février 2010.
Post Reply